Le Burkina Faso, base arrière des rebelles ivoiriens
Afrique occidentale Les Burkinabés
ont voté hier dans le calme pour élire leur président. Au
pouvoir depuis dix-huit ans, Blaise Compaoré fait figure de favori. Les
onze rivaux issus d'une opposition divisée ne semblent pas en mesure de
le battre.
Tanguy Berthemet
[14 novembre 2005]
AU BORD d'une des grandes avenues de Ouagadougou, l'enseigne de ce
restaurant affiche son nom en néon jaune : le Linas-Marcousis. Devant
les portes, d'énormes enceintes crachent une chanson hostile à
«l'ivoirité», une théorie xénophobe
développée en Côte-d'Ivoire, et au gouvernement d'Abidjan. Un
peu plus loin, Le Ligaze étend ses tables métalliques dans une
ambiance tout aussi politique. Dans la capitale du Burkina Faso, chacun sait
que ces restaurants appartiennent à des membres des Forces nouvelles
(FN), les rebelles ivoiriens. Mais tous feignent de l'ignorer. Comme ses
collègues, Damien, l'un des serveurs, assure ne pas connaître
l'identité «de son patron». «Mais c'est un
Burkinabé», s'empresse-t-il juste d'ajouter.
Sujet tabou
Depuis la fin 2002 et le début de la guerre qui a
coupé en deux
Comme tout ce qui touche à la crise ivoirienne, les
mouvements des Forces nouvelles dans la capitale sont un sujet que l'on
n'évoque pas. Même pendant la campagne qui vient de s'achever. «C'est
tabou car ça prouve que le Burkina est à l'origine de la
guerre», assure Hermann Yaméogo, ancien chef de file de
l'opposition à Blaise Compaoré et éphémère
candidat à l'élection présidentielle. L'accusation, qui
relaye celle des partisans du président ivoirien, est balayée par
Djibrill Bassolet. Le ministre de l'Intérieur burkinabé ne nie
pourtant pas que «les Forces nouvelles passent en ville».
«Mais il n'y a jamais eu d'argent des vols de
Mais à Ouagadougou, les habitants vivent de moins en moins
bien l'attitude de la rébellion. «Ils se promènent dans
des gros 4 x 4, ils profitent de l'argent de la politique mais ils ne pensent
plus à lutter contre la xénophobie», s'agace Amidou
Traoré. Cet étudiant accuse à mots à peine couverts
les FN d'oublier leur idéal et ses compatriotes à lui,
immigrés en Côte d'Ivoire. Aux premiers jours des combats, plus de
800 000 des quelque deux millions de Burkinabés, en butte aux milices
loyalistes, étaient précipitamment rentrés au pays. Mais
pour échapper à la misère, beaucoup ont choisi
malgré le danger de repasser la frontière. Les autres vivent dans
la misère au Burkina. «Personne ne nous aide», dénonce
Odile Nana, présidente de l'Association des femmes rapatriées.
Paradoxalement, alors que la communauté internationale,
France en tête, s'échine à trouver une solution pacifique
à la crise ivoirienne, personne ne semble vouloir limiter les mouvements
des rebelles entre
L'analyse fait sourire Djibrill Bassolet. «Nous ne
pouvons pas empêcher les gens de se déplacer. Il n'y a personne au
Burkina qui soit visé par une interdiction de voyage de l'ONU».